La réplique
« HORS NORMES »
d’Éric Toledano
et Olivier Nakache
- La plupart
des encadrants
ne sont pas
diplômés.
- Vous connaissez
beaucoup
de diplômes
qui préparent
à se prendre
des droites
toute la journée ?
Les hommes de bonne volonté
$ÉTIENNE SORIN esorin@lefig
Vincent Casselet Al Pacino, même combat. On parle du Al Pacino de L’Impasse, le brillant film noir de Brian De Palma. Dans la peau d’un gangster new-yorkais tout juste sorti de prison, l’acteur américain n’a pas le temps de souffler. Il ne rentre jamais chez lui se faire cuire un oeuf, ne dort jamais. Il marche et court pour sauver sa peau et celle de la femme qui l’aime. Chez Toledano et Nakache, Cassela le même agenda surchargé. Ce n’est seulement qu’à la toute fin que Bruno, son personnage, s’enfonce dans un canapé sansâge, chez lui, un petit appartement de célibataire, sans ordre ni confort. Lerepos du guerrier, aprèsdeux heures de film qui ressemblent à une seule et longue journée harassante, sans répit ni temps mort.
Cassel n’a jamais été aussi bon depuis Sur mes lèvres de Jacques Audiard. Il ne joue pas un voyou mais un homme de bonne volonté, altruiste, généreux, comme il en existe souvent aucinéma et parfois dans la vie (lire entretien ci-dessus). Bruno n’est pas un saint mais un Juif que son entourage voudrait voir marié – voir les scènes de chiddoukh, rendez-vous galants toujours drôles et infructueux.
Bruno s’occupe surtout et avant tout d’une association pour autistes lourds, ceux pour lesquels les services de santé ont jeté l’éponge. Il se démène pour leur trouver une alternative à l’hôpital et aux médicaments. Il ne compte pas son temps pour aider notamment Joseph à mener une vie presque normale : ne pas taper sa mère, ne pas tirer le signal d’alarme dans le métro, réparer desmachines àlaver, appareils électroménagers qui exercent sur lui une vraie fascination.
Les vertus de l’éducation
Bruno travaille avec Malik (Reda Kateb, très bon lui aussi), musulman tendance buveur de vin, dont l’association essaye de trouver du travail à des jeunes des cités, autre profil d’individus hors normes. Dylan va apprendre à aider Valentin, adolescent muré, casque de boxeur sur la tête pour ne pas se mutiler. Comme Truffaut, Toledano et Nakache croient en l’éducation. Il reste un espoir pour ces enfants sauvages, malades ou marginalisés. Aider ne veut pas dire guérir. Ne pas confondre bienveillance et angélisme.
On retrouve le talent des réalisateurs d’Intouchables pour réunir des mondes qui s’ignorent et pour chasser le pathos en deux répliques bien senties. S’il s’avère que le monde se divise en deux, les optimistes et les pessimistes, et si l’on considère que les optimistes sont des imbéciles heureux et les pessimistes des imbéciles malheureux, il est clair que Nakache et Toledano n’ont pas le goût du malheur. Quitte à mourir idiot, autant seranger de leur côté.
Source : Quotidien Le Figaro - N°nc du 23 octobre 2019
$ÉTIENNE SORIN esorin@lefig
Vincent Casselet Al Pacino, même combat. On parle du Al Pacino de L’Impasse, le brillant film noir de Brian De Palma. Dans la peau d’un gangster new-yorkais tout juste sorti de prison, l’acteur américain n’a pas le temps de souffler. Il ne rentre jamais chez lui se faire cuire un oeuf, ne dort jamais. Il marche et court pour sauver sa peau et celle de la femme qui l’aime. Chez Toledano et Nakache, Cassela le même agenda surchargé. Ce n’est seulement qu’à la toute fin que Bruno, son personnage, s’enfonce dans un canapé sansâge, chez lui, un petit appartement de célibataire, sans ordre ni confort. Lerepos du guerrier, aprèsdeux heures de film qui ressemblent à une seule et longue journée harassante, sans répit ni temps mort.
Cassel n’a jamais été aussi bon depuis Sur mes lèvres de Jacques Audiard. Il ne joue pas un voyou mais un homme de bonne volonté, altruiste, généreux, comme il en existe souvent aucinéma et parfois dans la vie (lire entretien ci-dessus). Bruno n’est pas un saint mais un Juif que son entourage voudrait voir marié – voir les scènes de chiddoukh, rendez-vous galants toujours drôles et infructueux.
Bruno s’occupe surtout et avant tout d’une association pour autistes lourds, ceux pour lesquels les services de santé ont jeté l’éponge. Il se démène pour leur trouver une alternative à l’hôpital et aux médicaments. Il ne compte pas son temps pour aider notamment Joseph à mener une vie presque normale : ne pas taper sa mère, ne pas tirer le signal d’alarme dans le métro, réparer desmachines àlaver, appareils électroménagers qui exercent sur lui une vraie fascination.
Les vertus de l’éducation
Bruno travaille avec Malik (Reda Kateb, très bon lui aussi), musulman tendance buveur de vin, dont l’association essaye de trouver du travail à des jeunes des cités, autre profil d’individus hors normes. Dylan va apprendre à aider Valentin, adolescent muré, casque de boxeur sur la tête pour ne pas se mutiler. Comme Truffaut, Toledano et Nakache croient en l’éducation. Il reste un espoir pour ces enfants sauvages, malades ou marginalisés. Aider ne veut pas dire guérir. Ne pas confondre bienveillance et angélisme.
On retrouve le talent des réalisateurs d’Intouchables pour réunir des mondes qui s’ignorent et pour chasser le pathos en deux répliques bien senties. S’il s’avère que le monde se divise en deux, les optimistes et les pessimistes, et si l’on considère que les optimistes sont des imbéciles heureux et les pessimistes des imbéciles malheureux, il est clair que Nakache et Toledano n’ont pas le goût du malheur. Quitte à mourir idiot, autant seranger de leur côté.
Source : Quotidien Le Figaro - N°nc du 23 octobre 2019